Longtemps réservé aux bibliothèques bourgeoises ou à l'élite cultivée, le livre imprimé a connu une transformation radicale avec l’apparition du format poche, devenu depuis un symbole de démocratisation de la lecture. Pratique, économique et nomade, ce petit objet a bouleversé les usages, la chaîne du livre… et même la culture populaire.
Aux origines d’un format modeste
Contrairement à ce que l’on croit souvent, le livre de poche ne naît pas dans les années 1950, mais bien avant. En France, dès 1838, l’éditeur Gervais Charpentier crée une collection destinée à rendre la littérature plus accessible : la Bibliothèque Charpentier, au format réduit d’environ 11 × 18 cm. Ce format compact permettait déjà de réduire les coûts d'impression, facilitant la lecture pour un public plus large.
Tout au long du XIXᵉ siècle, d’autres initiatives similaires voient le jour. En 1856, Michel Lévy publie des œuvres dans un format bon marché. Puis, en 1905, Fayard lance la collection « Modern-Bibliothèque », vendue à prix réduit dans les gares et les kiosques à journaux, et qui sera suivie par les « Livres populaires » ou encore la collection « Livre de Poche » de Tallandier en 1916.
Mais ce n’est qu’en 1953 que le format poche tel que nous le connaissons aujourd’hui devient un standard en France, sous l’impulsion de l’éditeur Henri Filipacchi, alors chez Hachette.
1953 : naissance d’un phénomène de masse
Le 9 février 1953 paraît le tout premier titre de la collection moderne Le Livre de Poche : Koenigsmark de Pierre Benoît. Ce lancement repose sur une idée simple mais puissante : vendre des œuvres de qualité en format réduit à un prix accessible, via des canaux de distribution populaires (kiosques, gares, stations-service). Le tirage initial est de 60 000 exemplaires, un chiffre audacieux à l’époque. Le succès fut immédiat.
Ce petit livre, imprimé en rotative, à couverture souple et à reliure collée, se vend deux francs seulement – moins cher qu’un magazine. Son format est facilement transportable : il se glisse dans une poche, un sac, une valise. L’objectif est clair : faire entrer la lecture dans la vie quotidienne.
Pourquoi ce succès ?
Plus qu’un format, le poche est une révolution sociale. Il rend la littérature accessible à toutes les classes sociales et devient le compagnon discret des étudiants, des vacanciers, des travailleurs. Le format permet également de redonner une seconde vie aux livres déjà parus en grand format, et donc d’élargir leur audience. Il modifie aussi les pratiques éditoriales. En produisant à grande échelle, les éditeurs baissent les coûts unitaires et réalisent des économies d’échelle. Le brochage est plus simple (livres collés et non cousus), les couvertures sont souples, les marges plus fines, le papier plus léger. Tout est fait pour aller vite, produire en masse, et vendre au plus bas prix.
Règles et logiques éditoriales
Contrairement à une idée reçue, tous les livres ne paraissent pas automatiquement en format poche. Le passage en poche répond à des décisions stratégiques prises par les éditeurs en fonction de plusieurs critères : le succès commercial du livre en grand format, sa portée critique, son potentiel de longévité, ou encore la volonté de l’auteur lui-même. En général, un livre peut être réédité en poche entre 12 et 24 mois après sa sortie en grand format. Cette attente permet d’amortir les ventes du premier tirage sans cannibaliser le marché du grand format.
Le passage au poche suppose la signature d’un nouveau contrat de cession de droits entre l’auteur (ou son éditeur d’origine) et la maison d’édition de poche (souvent une filiale spécialisée, comme Pocket pour Robert Laffont, Folio pour Gallimard, Points pour Le Seuil, etc.). Ce contrat prévoit des droits d’auteur généralement plus faibles (autour de 5 à 8 %), compensés par des ventes beaucoup plus volumineuses. Il arrive aussi que certains ouvrages passent directement en poche, sans parution en grand format, notamment dans les genres de niche (essais engagés, témoignages, romans de genre, etc.).
Les rééditions en poche s’accompagnent souvent de nouvelles couvertures, parfois d’une préface inédite, voire d’annexes pédagogiques dans le cas des collections scolaires. Cela permet à l’éditeur de proposer une version différenciée, adaptée à un autre public et à d'autres usages (lecture loisir, étude, cadeau).
Le saviez-vous ?
La maison d’édition 10/18, créée en 1962 par Plon, doit son nom aux dimensions du livre de poche : 10 cm × 18 cm, format quasi standardisé dans l’édition française. Ce nom est devenu emblématique d’une collection qui publie aujourd’hui des textes de littérature contemporaine et des classiques du XXᵉ siècle.
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